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Les lunes selon la tradition mi’kmaw

Crédit photo : Adege de Pixabay/Canva

Introduction

Le savoir traditionnel autochtone est une source importante d’informations pour comprendre le climat. Les Mi’kmaq ont vécu pendant plus de 13 000 ans sur le territoire Mi’kma’ki, qui s’étend des frontières coloniales de la Nouvelle-Écosse, de l’Île-du-Prince-Édouard, de l’Est du Nouveau-Brunswick, de la péninsule gaspésienne au Québec, jusqu’à Terre-Neuve. La langue mi’kmaw est étroitement liée à la nature et témoigne d’une profonde compréhension des schémas écologiques de cette région. Le calendrier mi’kmaw, basé sur les cycles lunaires, atteste cette connaissance intime du climat où chaque lune porte le nom d’un indicateur biophysique important du passage des saisons. 

La présente série de publications explorera le calendrier mi’kmaw du point de vue de l’évolution du climat, en analysant notamment les tendances des données climatiques liées à chaque lune. Les connaissances traditionnelles nous permettent de comprendre comment le climat diffère déjà de ce qui était la norme dans la région pendant des milliers d’années. L’analyse des données climatiques nous amène à mieux appréhender les changements à venir.

Toutes les données climatiques présentées proviennent des dernières projections à échelle réduite pour le Canada (CMIP6), accessibles sur le site donneesclimatiques.ca. Les valeurs sont les résultats médians pour des périodes moyennes de 30 ans, et sont géographiquement propres à la communauté mentionnée. 

Une carte affichant et listant les noms des communautés des Premières nations à Mi'kma'ki.

Septembre

Selon le calendrier mi’kmaw, la lune de septembre se nomme Wikumkewiku’s (we-goom-gay-we-goos), la lune de l’accouplement des animaux. Cette période s’étend environ du 7 septembre au 8 octobre. C’est la période du rut pour les orignaux qui émettent alors des appels vocaux plus fréquents. Historiquement, c’était la période où les Mi’kmaq auraient migré de leurs campements d’été près de la mer vers leurs quartiers d’hiver situés à l’intérieur des terres et donc plus près des orignaux. 

Certaines recherches démontrent qu’un automne plus chaud peut retarder l’accouplement des orignaux étant donné que ceux-ci sont moins actifs les journées chaudes pour éviter d’avoir trop chaud. Dans la Première Nation de Wagmatcook, la température moyenne maximale au cours du mois de septembre était de 18,1°C pendant la période de 1951 à 1980. Avec les changements climatiques, les températures maximales sont déjà légèrement plus élevées, se chiffrant en moyenne à 18,7°C pour la période allant de 1981 à 2010. Le tableau suivant indique comment on prévoit que la température moyenne maximale de septembre devrait évoluer, avec les années, selon que l’on envisage un scénario de faibles émissions ou un scénario d’émissions élevées dans cette région. 

A bull moose in a field next to a forest.

Crédit image: pixabay/PublicDomainImages/Canva

Température moyenne maximale en septembre
(Première Nation de Wagmatcook)

Période
Faibles émissions
(SSP2-4.5)
Émissions élevées (SSP5-8.5)
(SSP5-8.5)
1951-1980 18,1°C
1981-2010 18,7°C
2011-2040 19,9°C 20,0°C
2041-2070 21,0°C 21,8°C
2071-2100 21,9°C 24,7°C

D’ici la fin du siècle, la moyenne de la température maximale quotidienne en septembre pourrait être plus élevée de près de 4 degrés selon un scénario de faibles émissions et de plus de 6 degrés selon un scénario d’émissions élevées. Ces températures plus chaudes pourraient avoir une incidence sur le comportement animal, en particulier pour des espèces comme les orignaux qui ont une faible tolérance au stress thermique.

Août

Selon le calendrier mi’kmaw, la lune du mois d’août, appelée Kisikewiku’s (gis-ig-ay-we-goos), est la lune au cours de laquelle mûrissent les baies. Cette période s’étend environ du 7 août au 7 septembre. C’est alors le moment où les petits fruits comme les bleuets et les framboises ont mûri et qu’ils sont prêts pour la cueillette.  

La saison sans gel, mesurée en jours, représente la durée moyenne de la saison de croissance au cours de laquelle il n’y a pas de température sous zéro susceptible d’endommager les plantes sensibles au gel. Dans la Première Nation de Fort Folly, la saison sans gel durait en moyenne 145 jours pendant la période allant de 1951 à 1980. Dans la période subséquente, soit de 1981 à 2010, la durée de la saison sans gel a augmenté pour atteindre en moyenne 151 jours. Le tableau qui suit présente une projection, au fil des années, de la durée de la saison sans gel dans cette région selon un modèle de faibles émissions et d’émissions élevées.

Un cormoran à aigrettes se pare de ses plumes.

Crédit image: klikk/Getty Images/Canva

Longueur (en jours) de la saison sans gel
(Première Nation de Fort Folly)

Période
Faibles émissions
(SSP2-4.5)
Émissions élevées (SSP5-8.5)
(SSP5-8.5)
1951-1980 145
1981-2010 151
2011-2040 169 169
2041-2070 182 189
2071-2100 195 219

Des températures moyennes plus élevées rallongent la saison sans gel. D’ici la fin du siècle, la saison sans gel dans la Première Nation de Fort Folly pourrait s’allonger de 50 jours selon un scénario de faibles émissions, ou de 74 jours selon un scénario d’émissions élevées. Si une saison de croissance plus longue peut permettre de produire plus de nourriture ou de faire pousser différents types de plantes, elle tend en revanche à augmenter le risque de dommages causés par une variété de parasites, de maladies ou d’espèces envahissantes qui sont peut-être mieux adaptées à des conditions de croissance plus chaudes.

Juillet

Dans le calendrier mi’kmaw, la lune de juillet se nomme Peskewiku’s (bes-gay-we-goos), et c’est la lune au cours de laquelle les oiseaux perdent leurs plumes. La période s’étend environ du 6 juillet au 7 août. C’est le moment de l’année où de nombreux oiseaux perdent leurs plumes et les remplacent par la suite. Les plumes subissent une usure normale occasionnée par les conditions météorologiques, ce qui fait que les oiseaux doivent muer et produire de nouvelles plumes toutes duveteuses et saines. Cette mue survient d’ordinaire vers le milieu ou la fin de l’été, une période où la nourriture est abondante entre les périodes plus stressantes de la nidification et de la migration. 

Des alertes de chaleur sont communément émises lorsque les températures atteignent un seuil de près de 30°C, ce qui indique que les températures élevées peuvent causer un stress aux êtres vivants. Dans la Première Nation de Glooscap, il y a eu en moyenne deux jours par année où les températures ont dépassé les 30°C pendant la période allant de 1951 à 1980. Les températures ont légèrement augmenté de 1981 à 2010, atteignant en moyenne trois jours. Le tableau ci-après indique les changements projetés du nombre de jours avec une température de plus de 30°C au fil des années, selon un scénario de faibles émissions et un scénario d’émissions élevées pour la région. 

Un cormoran à aigrettes se pare de ses plumes.

Crédit photo : nstanev/Getty Images/Canva

Nombre de jours avec une température de plus de 30°C
(Première Nation de Glooscap)

Période
Faibles émissions (SSP2-4.5)
Émissions élevées (SSP5-8.5)
1951-1980 2
1981-2010 3
2011-2040 8 8
2041-2070 14 21
2071-2100 21 50

Au fur et à mesure de l’augmentation des températures avec les changements climatiques, il y aura un accroissement substantiel du nombre de journées très chaudes. D’ici la fin du siècle, il pourrait y avoir trois jours de températures au-dessus des 30°C dans la Première Nation de Glooscap si on envisage un scénario de faibles émissions, mais ce nombre pourrait grimper à plus de sept semaines de températures très chaudes dans l’éventualité d’un scénario d’émissions élevées. Les températures très chaudes influent sur la capacité des plantes et des animaux à bien se développer, mais elles ont aussi une incidence sur la santé des humains et des infrastructures. Il est probable que le stress causé par la chaleur pendant l’été pose communément un problème aux humains ainsi qu’aux animaux et aux plantes.

Juin

Selon le calendrier mi’kmaw, la lune de juin est connue sous le nom de Nipniku’s (nib-nee-goos), c’est-à-dire la lune au cours de laquelle les arbres sont en pleine feuillaison. Cette période s’étend environ du 5 juin au 6 juillet. Comme les journées sont plus longues et les températures plus chaudes, c’est le moment où les bourgeons des arbres s’épanouissent pour former une nouvelle canopée de feuilles. 

Les degrés-jours de croissance sont un moyen de mesurer si les conditions climatiques sont assez chaudes pour soutenir la croissance des plantes. Dans la Première Nation Pabineau, il y a eu, pendant la période de 1951 à 1980, une moyenne par année de 1 568 degrés-jours de croissance (avec une base de 5oC). Le nombre de degrés-jours de croissance a ensuite augmenté pendant la période allant de 1981 à 2010 pour atteindre une moyenne de 1 676 degrés-jours de croissance. Le tableau qui suit illustre les changements projetés pour ce qui est du nombre de degrés-jours de croissance au fil du temps suivant un scénario de faibles émissions ou d’émissions élevées, et ce, pour cette région.

Les feuilles des arbres bourgeonnent

Crédit photo : famingjia inventor/Pexels/Canva

Nombre de degrés-jours de croissance (base 5ºC)

(Première Nation Pabineau)

Période
Faibles émissions
(SSP2-4.5)
Émissions élevées
(SSP5-8.5)
1951-1980 1568
1981-2010 1676
2011-2040 1913 1931
2041-2070 2144 2313
2071-2100 2320 2965

D’ici la fin du siècle, le nombre de degrés-jours de croissance dans la région de Pabineau pourrait augmenter d’environ 50 % selon un scénario de faibles émissions ou grimper jusqu’à environ 90 % si on envisage un scénario d’émissions élevées. Il s’agit là d’une augmentation substantielle de l’énergie disponible pour la croissance des plantes, ce qui implique que certaines plantes pourraient commencer à fleurir, à développer des feuilles et à produire des graines ou des fruits plus tôt dans l’année.

Mai

Dans le calendrier mi’kmaw, la lune de mai est connue sous le nom de Sqoljuiku’s (skoalch-ooh-we-goos), la lune du croassement de la grenouille. Cette période s’étend du 5 mai au 5 juin environ. Sqolj signifie grenouille dans la langue mi’kmaw, qui correspond à ses croassements. C’est le moment où les grenouilles et les crapauds entonnent leur chant printanier pour s’attirer un partenaire. Leur comportement est motivé par le réchauffement des températures et la hausse des précipitations, ce qui crée de nouveaux étangs et de nouvelles flaques où pondre leurs œufs en toute sécurité. 

La Première Nation d’Eskasoni a connu en moyenne 324 mm de précipitations au printemps entre 1951 et 1980. Cette quantité est restée pratiquement la même au cours de la période 1981-2010, avec une moyenne de 325 mm. Le tableau qui suit illustre comment la quantité de précipitations printanières devrait évoluer avec le temps selon qu’on envisage un scénario de faibles émissions ou d’émissions élevées. 

Deux grenouilles vertes à la surface d'un plan d'eau. La grenouille de devant gonfle ses joues.

Crédit photo: AttaBoyLuther/Getty Images Signature/Canva

Précipitations printanières (mm)

(Première Nation d’Eskasoni)

Période
Faibles émissions
(SSP2-4.5)
Émissions élevées
(SSP5-8.5)
1951-1980 324
1981-2010 325
2011-2040 339 343
2041-2070 356 365
2071-2100 355 371

L’air plus chaud retient plus d’humidité, ce qui se traduit par des précipitations typiques plus élevées dans toute la région. D’ici la fin du siècle, les précipitations printanières à Eskasoni pourraient augmenter d’environ 10 % selon un scénario de faibles émissions, ou d’environ 15 % selon un scénario d’émissions élevées. Une pluie accrue pourrait créer des conditions plus humides pour des créatures comme les grenouilles, mais les températures plus élevées augmentent également les taux d’évaporation, ce qui fait en sorte que les étangs et les sols pourraient assécher plus rapidement.

Avril

Dans le calendrier mi’kmaw, la lune d’avril est connue sous le nom de Penatmuiku’s (ben‑a‑dim‑ooh-we-goos), la lune au cours de laquelle les oiseaux pondent leurs œufs. Cette période s’étend environ du 4 avril au 5 mai. C’est aussi le moment où les oiseaux ramassent des brindilles, des brins d’herbe et d’autres matériaux pour bâtir et réparer leurs nids en préparation de la ponte des œufs. La période de nidification coïncide souvent avec la disponibilité croissante des sources de nourriture comme des insectes qui commencent à émerger en plus grand nombre avec la disparition des rigueurs de l’hiver.

La dernière gelée qui annonce le retour de températures plus chaudes est un autre indice de l’arrivée du printemps. Dans la Première Nation de Lennox Island, le dernier gel du printemps s’est produit autour du 9 mai pendant la période de 1951 à 1980. Avec l’avènement des changements climatiques, le dernier gel se produit désormais plus tôt, le 4 mai étant la date la plus habituelle pour la période subséquente de 1981 à 2010. Le tableau qui suit illustre comment la date du dernier gel du printemps devrait évoluer avec le temps dans cette région selon qu’on envisage un scénario de faibles émissions ou d’émissions élevées.

Image de quatre œufs de merle bleu dans un nid brun entouré de feuilles vertes.

Crédit photo: AttaBoyLuther/Getty Images Signature/Canva

Date du dernier gel du printemps

(Première Nation de Lennox Island)

Période
Faibles émissions (SSP2-4.5)
Émissions élevées (SSP5-8.5)
1951-1980 9 mai
1981-2010 4 mai
2011-2040 29 avril 27 avril
2041-2070 19 avril 15 avril
2071-2100  14 avril 3 avril

 

La montée des températures continuera de faire avancer la date moyenne du dernier gel printanier plus tôt dans l’année. D’ici la fin du siècle, le dernier gel du printemps pourrait survenir jusqu’à trois semaines plus tôt selon un scénario de faibles émissions, et jusqu’à cinq semaines plus tôt selon qu’on envisage un scénario d’émissions élevées. Les diverses espèces devront adapter leur comportement en fonction de ces changements. D’ailleurs, certaines études démontrent que de nombreuses espèces d’oiseaux ont déjà commencé à pondre leurs œufs plus tôt que dans le passé.

Mars

Dans le calendrier mi’kmaw, la lune du mois de mars est connue sous le nom de Siwkewiku’s (see-uke-ay-we-goos), la lune du printemps que l’on surnomme aussi la lune du sirop d’érable. Cette période s’étend environ du 5 mars au 4 avril, soit la période où les Mi’kmaw distillaient la sève des érables à sucre, tradition qui était la leur bien avant l’arrivée des colons européens. La coulée de la sève dans les érables à sucre dépend de la température. En règle générale, la température doit être sous le point de congélation (0°C) pendant la nuit et s’élever au-dessus du point de congélation le jour. Lorsque les températures de l’air fluctuent entre le gel et le dégel au cours d’une même journée, on parle d’un cycle de gel-dégel. 

Dans la Première Nation d’Elsipogtog, il y a eu en moyenne 86 jours par année avec un cycle de gel‑dégel au cours de la période allant de 1951 à 1980. Le nombre moyen de cycles de gel-dégel annuels est déjà légèrement inférieur, avec une moyenne de 83 cycles de gel-dégel au cours de la période de 1981 à 2010. Le tableau suivant montre comment le nombre de cycles de gel‑dégel devrait évoluer dans le temps selon qu’on envisage un scénario d’émissions faibles ou un scénario d’émissions élevées pour cette zone.

Érables avec les seaux et les entailles pour recueillir la sève en vue de la production du sirop d’érable.

Érables avec les seaux et les entailles pour recueillir la sève en vue de la production du sirop d’érable.

Nombre de cycles de gel-dégel

(Première Nation d’Elsipogtog)

Période
Faibles émissions
(SSP2-4.5)
Émissions élevées
(SSP5-8.5)
1951-1980 86
1981-2010 83
2011-2040 80 81
2041-2070 77 78
2071-2100 77 70

 

Le nombre de cycles de gel-dégel par année devrait diminuer légèrement sur le territoire Mi’kma’ki. D’ici la fin du siècle, il pourrait être plus habituel, selon un scénario de faibles émissions, de voir un total de 77 cycles de gel-dégel par année dans cette communauté, ou de 70 cycles de gel-dégel par année dans un scénario d’émissions élevées. Avec l’augmentation des températures, le calendrier de ces cycles de gel-dégel pourrait également changer, avec plus de cycles de gel‑dégel pendant l’hiver et moins au printemps et à l’automne. L’évolution du climat pourrait avoir une incidence à la fois sur le moment où se fait la production de sirop d’érable dans la région ainsi que sur la viabilité de cette pratique. 

Février

Dans le calendrier mi’kmaw, la lune de février est connue sous le nom d’Apuknajit (ah-boo-gah-na-jit), la lune où la neige est éblouissante. Cette période s’étend approximativement du 3 février au 5 mars. Apuknajit est un esprit ou un sorcier mi’kmaw légendaire qui peut se métamorphoser et prendre l’apparence de n’importe quel animal. Il est d’usage, lors de cette pleine lune, de laisser de la nourriture en offrande à Apuknajit afin d’assurer la survie de l’ensemble de l’écosystème. Traditionnellement, c’est la période la plus difficile de l’année pour les Mi’kmaq, car les fortes chutes de neige rendent la chasse plus difficile. C’est aussi la période la plus lumineuse de l’hiver, car le soleil se reflète sur la neige, ce qui peut provoquer la cécité des neiges, un coup de soleil douloureux qui affecte la cornée de l’œil.

Dans la Première Nation de Miawpukek (Conne River), il y avait en moyenne 50 jours de neige par année entre 1951 et 1980. Les températures plus chaudes ont déjà légèrement réduit le nombre de jours de neige, avec une moyenne de 47 jours de chute de neige pour la période 1981-2010. Le tableau suivant montre comment le nombre de jours de neige devrait évoluer au fil du temps selon qu’on envisage un scénario d’émissions faibles ou un scénario d’émissions élevées pour cette région.

Image prise du haut d'une colline enneigée. On aperçoit au loin des arbres et une étendue d'eau. Il y a des traces de pas dans la neige et le soleil brille.

Birch Brook, Labrador.

Nombre de jours de neige

(Première Nation Miawpukek)

Période
Faibles émissions (SSP2-4.5)
Émissions élevées (SSP5-8.5)
1951-1980 50
1981-2010 47
2011-2040 41 39
2041-2070 34 31
2071-2100 31 21

 

Le réchauffement des hivers réduira considérablement la fréquence des chutes de neige sur le territoire Mi’kma’ki, car les précipitations tomberont sous forme de pluie si les températures sont supérieures au point de congélation. D’ici la fin du siècle, selon un scénario de faibles émissions, il pourrait y avoir dans cette communauté une moyenne de 31 jours de neige par année, ou de seulement 21 jours de neige par année selon un scénario d’émissions élevées. Avec la diminution du nombre de jours de neige, les hivers de la région auront un tout autre visage et une allure tout à fait différente.

Janvier

Dans le calendrier mi’kmaw, la lune de janvier est connue sous le nom de Punamujuiku’s (boo-na-moo-jooey-goos), la lune du poulamon (poisson gelé). Cette période s’étend approximativement du 5 janvier au 3 février. C’est l’époque où les punamu (poulamons) remontent les estuaires pour frayer. La pêche au poulamon était une source de nourriture importante pour les Mi’kmaq à l’époque.

Cette période coïncide généralement avec le jour le plus froid de l’année. Dans la Première Nation de Sipekne’katik, la température moyenne la plus froide de l’année a été de -25,3 oC entre 1951 et 1980. La température la plus froide a déjà été légèrement moins élevée au cours de la période de 1981 à 2010, avec -24,2 oC. Le tableau suivant montre comment la température la plus froide de l’année devrait évoluer au fil du temps selon des scénarios d’émissions faibles et d’émissions élevées pour cette région. 

Peinture à l'aquarelle d'un poisson jaune verdâtre dont la bouche rouge est ouverte.

Illustration de poulamon tirée de la série « Fish from American Waters (N8) » publiée par Allen & Ginter. Crédit : The Metropolitan Museum of Art/RawPixel.

Température la plus froide de l’année
(Première Nation de Sipekne’katik)

Période
Faibles émissions
(SSP2-4.5)
Émissions élevées
(SSP5-8.5)
1951-1980 -25.3°C
1981-2010 -24.2°C
2011-2040 -21.6°C -21.5°C
2041-2070 -19.4°C -18.0°C
2071-2100 -17.6°C -13.3°C

Cette réduction des froids extrêmes est l’un des effets les plus notables des changements climatiques sur le territoire Mi’kma’ki. Même en suivant un scénario relativement optimiste de faibles émissions, le jour le plus froid de l’année dans cette région pourrait être plus chaud de près de 8 degrés d’ici la fin du siècle. Dans un scénario d’émissions élevées, le jour le plus froid typique pourrait être plus chaud de 12 degrés. Si les froids extrêmes peuvent présenter des risques pour la santé humaine pour ceux qui ne sont pas suffisamment préparés, les températures hivernales froides sont importantes pour de nombreuses espèces indigènes et pour les processus environnementaux.

décembre

Kesikewiku’s (ges-ig-gay-we-goos), la lune d’hiver. Cette période s’étend approximativement du 6 décembre au 5 janvier et comprend le solstice d’hiver, le jour le plus court de l’année et la pleine lune qui monte le plus haut dans le ciel. Les conditions hivernales typiques du territoire Mi’kma’ki comprennent des températures de l’air plus froides, des eaux glaciales et des chutes de neige.

À mesure que le climat se réchauffe, ces conditions hivernales typiques deviennent moins courantes. Dans la Première Nation Abegweit, la température moyenne en hiver (Kesik) était de -5,8 oC entre 1951 et 1980. Déjà, la température hivernale moyenne a été légèrement plus élevée au cours de la période suivante (1981-2010), avec une moyenne de -5,2 oC. Le tableau suivant montre comment la température hivernale moyenne devrait évoluer au fil du temps dans le cadre de scénarios d’émissions faibles et d’émissions élevées pour cette zone.

Scène hivernale enneigée du Passage de l'Est, N.-É.

Photo prise par un drone de Eastern Passage, en Nouvelle-Écosse, en février 2023. Avec l’aimable autorisation de David Jones.

Température moyenne en hiver (Première Nation Abegweit)

Période
Faibles émissions
(SSP2-4.5)
Émissions élevées
(SSP5-8.5)
1951-1980 -5.8°C
1981-2010 -5.2°C
2011-2040 -3.6°C -3.3°C
2041-2070 -2.2°C -1.2°C
2071-2100 -1.1°C 0.9°C

La saison du Kesik (hiver) est la période de l’année qui se réchauffe le plus rapidement. Par rapport à la normale historique, d’ici la fin du siècle, les hivers pourraient être plus chauds d’environ 4,7 °C selon un scénario de faibles émissions, et de 6,7 °C selon un scénario d’émissions élevées. Des hivers plus doux signifient qu’en moyenne, les communautés du territoire Mi’kma’ki connaîtront plus fréquemment des températures au-dessus de zéro (0 oC), moins d’épisodes de froid extrême et moins de neige et de glace. 

novembre

Dans le calendrier mi’kmaw, la lune de novembre est connue sous le nom de Keptekewiku’s (geb-deg-gay-we-goos), la lune du gel des rivières. Le gel des rivières survient environ entre le 7 novembre et le 6 décembre. C’est à ce moment que les températures commençaient à chuter régulièrement en dessous de 0 oC et que les eaux de surface du territoire Mi’kma’ki commençaient à s’englacer.

Dans la Première Nation de Natoaganeg (Eel Ground), sur la rivière Miramichi, il y a eu en moyenne 80 jours de glace par an entre 1951 et 1980. On entend par jours de glace les jours où les températures restent sous le point de congélation pendant toute la journée, ce qui signifie qu’une glace plus épaisse et plus stable peut se former et persister. Avec le réchauffement du climat, le nombre de jours de glace a déjà commencé à diminuer. Au cours de la période 1981-2010, on a typiquement vu plutôt 75 jours de glace. Le tableau suivant montre comment le nombre de jours de glace pour cette région devrait évoluer au fil du temps dans le cadre de scénarios d’émissions faibles et d’émissions élevées.

Scène de rivière en hiver, avec de la glace recouvrant une partie de l'eau et de la neige sur les arbres et le sol.

Source de l’image : L’hiver sur la rivière Kennebecasis, Hampton, Nouveau-Brunswick, Canada — Greenseas, Images Getty /Canva

Nombre de jours de glace par année (Première Nation Natoaganeg)

Période
Faibles émissions
(SSP2-4.5)
Émissions élevées
(SSP5-8.5)
1950-1980 80
1980-2010 75
2011-2040 62 60
2041-2070 50 41
2071-2100 42 22

Par rapport à la normale historique, le nombre de jours de glace devrait diminuer de près de la moitié d’ici la fin du siècle selon un scénario de faibles émissions. Par ailleurs, suivant un scénario d’émissions élevées, il pourrait n’y avoir, d’ici 2100, qu’un quart du nombre de jours de glace par rapport à ce qu’on voyait auparavant. La diminution du nombre de jours de glace peut impliquer un englacement plus tardif en hiver, ce qui pourrait signifier que les rivières ne gèlent pas de manière constante ni pendant aussi longtemps. Cet état de choses pourrait avoir des répercussions sur les écosystèmes d’eau douce et les pratiques culturelles telles que la pêche sur la glace.

octobre

Dans le calendrier mi’kmaw, la lune d’octobre est connue sous le nom de Wikewiku’s (wig-gay-we-goos), qui signifie la lune d’engraissement des animaux. Cette période s’étend approximativement du 8 octobre au 7 novembre. C’est l’époque où les animaux du territoire Mi’kma’ki s’alimentent pour faire des réserves de gras en prévision du long et froid hiver à venir.

L’un des principaux indicateurs de l’arrivée de l’hiver pendant cette période est le premier gel de l’automne. Entre 1951 et 1980, dans la Première Nation de Bear River, le premier gel d’automne s’est produit en moyenne le 12 octobre. Avec le changement climatique, ce premier gel survient plus tard; le 17 octobre étant une date représentative au cours de la période 1981-2010. Le tableau suivant montre comment la date du premier gel d’automne devrait évoluer au fil du temps, compte tenu de scénarios d’émissions faibles ou d’émissions élevées pour cette région.

Une parcelle de plantes vertes couvertes de givre sur le sol, avec une feuille orange tombée au sol.

Crédit photo : Daizuoxin de Getty Images/Canva

Date du premier gel d’automne (Première Nation de Bear River)

Période
Faibles émissions
(SSP2-4.5)
Émissions élevées
(SSP5-8.5)
1950-1980 12 octobre
1980-2010 17 octobre
2011-2040 28 octobre 28 octobre
2041-2070 2 novembre 10 novembre
2071-2100 8 novembre 24 novembre

Le premier épisode de gel de l’automne, qui survient plusieurs semaines plus tard dans l’année, peut avoir une incidence sur le moment et la manière dont les animaux se préparent à l’hiver. Il est possible que la nourriture soit plus abondante plus tard dans l’année et que les hivers soient moins longs ou moins rigoureux. Certains animaux peuvent être en mesure d’adapter leur comportement à ces conditions changeantes, mais d’autres auront du mal à faire face au rythme rapide de changement climatique.