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Les terres humides et les changements climatiques dans le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse

Une zone humide avec des arbres et des herbes bruns, avec un arc-en-ciel dans le ciel.
Alex Cadel

janvier 31, 2024

Crédit photo : Nick Hill, SW Nova Biosphere Region


Publié à l’origine dans SW Biosphere Region Spring/Summer Newsletter 2023.


Les terres humides sont des écosystèmes exceptionnels pour de nombreuses raisons. De plus en plus elles sont reconnues pour leurs avantages en matière d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques, tels que le stockage du carbone et l’augmentation de la résilience des communautés. En revanche, nous savons que la santé et la fonction des terres humides sont menacées par les changements de température, les précipitations et les événements extrêmes. Pour comprendre les liens entre les terres humides et les changements climatiques, le présent article examine comment le climat change dans le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse, quels impacts les changements climatiques pourraient avoir sur les terres humides de la région, et pourquoi les terres humides jouent un rôle primordial dans l’adaptation aux changements climatiques. 

Le climat de la Nouvelle-Écosse en constante évolution  

Bien que les changements climatiques soient complexes et multiformes, les principaux changements prévus pour la Nouvelle-Écosse peuvent se résumer en cinq tendances de grande ampleur : – Augmentation des températures – Modification des régimes de précipitations – Tempêtes plus fréquentes et plus intenses – Élévation du niveau de la mer – Modification des océans. Chacune de ces tendances présente un certain intérêt pour les terres humides et sera donc examinée tour à tour dans les paragraphes suivants. Les valeurs référencées sont les dernières projections climatiques (CMIP6) pour la région géographique du bassin hydrographique de la rivière Mersey, censées être représentatives du climat typique du Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse. Les projections concernent la période 2021-2050, par rapport à la moyenne historique recensée entre 1971 et 2000. 

Au cours des prochaines décennies, les températures pourraient être plus élevées de 2,2 oC en moyenne. C’est donc dire qu’on peut s’attendre à des étés plus chauds avec un risque accru de vagues de chaleur, ainsi que des conditions plus susceptibles de provoquer des sécheresses ou des incendies de forêt. Les températures plus clémentes en hiver sont de plus en plus courantes, ce qui a une incidence sur le couvert de neige et de glace. Au Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse, la température hivernale moyenne devrait passer de -3,1 °C – qu’elle était historiquement – à -0,6 °C d’ici le milieu du siècle. Les températures plus chaudes prolongeront la saison de croissance de 30 jours, ce qui pourrait représenter une opportunité pour de nombreuses plantes. Or, ce réchauffement des températures introduit également de nouveaux risques liés aux ravageurs, aux maladies ou aux espèces envahissantes qui pourraient être mieux adaptées que les plantes indigènes à ces conditions plus chaudes. 

On s’attend à davantage de précipitations – environ 7 % de plus par année, en moyenne, la plupart tombant en hiver et au printemps. Cependant, des températures plus élevées entraînent des taux d’évapotranspiration plus élevés, ce qui signifie que plus de pluie ne se traduit pas nécessairement par plus d’humidité disponible. Les températures plus élevées entraînent également une augmentation des précipitations sous forme de pluie plutôt que de neige, ainsi qu’une tendance à des précipitations plus intenses. 

Les tempêtes tropicales et les ouragans intenses devraient être plus fréquents, en raison du réchauffement des océans qui permet à ces systèmes de conserver leur force plus longtemps sur leur trajectoire vers le nord. Les tempêtes plus fortes apporteront probablement des rafales de vent plus puissantes et des ondes de tempête plus extrêmes sur les côtes de la Nouvelle-Écosse. 

Les craintes d’inondations côtières sont exacerbées par l’élévation du niveau de la mer. Pour le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse d’ici 2100, dans le contexte d’un scénario d’émissions élevées, la projection médiane d’élévation du niveau de la mer est d’environ 75 à 80 cm. Cette montée des eaux peut également entraîner l’intrusion d’eau salée dans les systèmes côtiers d’eau douce et nuire aux écosystèmes côtiers sensibles tels que les marais salés et les dunes, qui pourraient ne pas être en mesure de migrer assez rapidement pour suivre le rythme. 

Les changements océaniques comprennent une augmentation des températures, à la fois en surface et dans les eaux plus profondes, avec des vagues de chaleur marine de plus en plus longues et fréquentes. Les eaux marines deviennent plus acides, ce qui pose des problèmes à la vie aquatique et augmente la probabilité de prolifération des algues. On observe également une tendance à la baisse des niveaux d’oxygène marin, ce qui peut limiter la croissance et la distribution des espèces aquatiques. 

Les risques que posent les changements climatiques aux terres humides  

Quelques tendances climatiques sont particulièrement préoccupantes pour la santé et la fonction des terres humides. L’évolution des températures et des précipitations pourrait modifier l’hydrologie des terres humides, avec des risques accrus d’inondation et de sécheresse. La répartition de nombreuses espèces est également limitée par les schémas climatiques, qui sont en train de changer. Les espèces situées à la limite méridionale (sud) de leur aire de répartition seront probablement confrontées à des étés plus chauds, à des hivers plus doux et à la concurrence d’espèces mieux adaptées à des climats plus tempérés. 

L’élévation du niveau de la mer peut constituer une menace pour les terres humides côtières, qui risquent de subir un resserrement du littoral et de rétrécir au fil du temps si elles n’ont pas la possibilité de se déplacer vers l’intérieur des terres, limitant ainsi leurs avantages. Des tempêtes plus intenses peuvent causer de l’érosion et des dommages à la végétation, dont il pourrait être plus difficile de se remettre si les grosses tempêtes sont plus fréquentes. 

Dans la récente évaluation provinciale des risques liés aux changements climatiques, intitulée Weathering What’s Ahead : Climate Change Risk and Nova Scotia’s Well-being, il a été établi que les écosystèmes des zones humides sont un sujet de préoccupation particulier. Les zones humides sont essentielles à notre bien-être actuel et futur, mais elles sont confrontées à de multiples menaces climatiques telles que le stress thermique, le déplacement des écorégions et les espèces envahissantes. L’évaluation provinciale a fait ressortir la nécessité de mieux comprendre les vulnérabilités et les possibilités spécifiques des écosystèmes des zones humides en Nouvelle-Écosse, afin de garantir leur résilience face aux changements climatiques. 

Bien entendu, les pressions non climatiques telles que le développement ou la pollution compromettent également les zones humides. Même dans les cas où les changements climatiques ne sont pas la principale préoccupation, ils peuvent souvent amoindrir la résilience de ces écosystèmes face aux autres pressions auxquelles ils sont soumis.  

L’importance des terres humides pour l’adaptation 

Toutes ces préoccupations concernant les risques pour les terres humides sont soulignées par le fait que des terres humides abondantes et saines offrent des avantages considérables pour l’adaptation aux changements climatiques. Les terres humides sont des éponges naturelles efficaces qui ralentissent, filtrent et absorbent les eaux pluviales afin de limiter les inondations et, en stockant cette eau, d’atténuer les effets de la sécheresse. 

Les terres humides constituent aussi des zones tampons très efficaces contre les fortes vagues et les ondes de tempête, réduisant l’érosion et protégeant les communautés. Une étude récente menée en Nouvelle-Écosse a révélé que plus de 60 % de l’énergie des vagues est dissipée dans les dix premiers mètres des marais salés, pour des profondeurs d’eau inférieures à un mètre (Ngulube, 2021), quantifiant ainsi la protection du littoral qu’offrent les terres humides côtières en bonne santé. 

Les terres humides sont des points chauds de la biodiversité qui fournissent un abri et des ressources à une flore et une faune abondantes; elles sont des puits de carbone incroyablement efficaces et stockent plus de carbone que n’importe quel autre écosystème sur Terre. Les zones humides sont des sources de subsistance, fournissant ressources et services essentiels au bien-être des populations humaines, notamment en matière d’alimentation, de médicaments, de loisirs et de liens culturels. 

Les changements climatiques représentent une menace croissante pour les écosystèmes des zones humides. La compréhension et la prise en compte de leurs impacts potentiels constituent une étape cruciale vers la protection et la restauration de ces systèmes naturels vitaux. Nombreux sont les liens entre des zones humides saines et des communautés résilientes et ceux-ci méritent d’être mieux compris. 

Les lunes selon la tradition mi’kmaw

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Alex Cadel, notre spécialiste des services climatiques en Nouvelle-Écosse, explore le calendrier mi’kmaw du point de vue de l’évolution du climat, en analysant les tendances des données relatives à chaque lune.