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Récits sur l’adaptation climatique : Protéger les rivages sacrés de Mniku

Kate DesRoches

avril 17, 2024

Image caractéristique : Mniku est située dans le lac Bras d’Or, dans le district d’Unama’ki. (Carte créée avec Google Earth, version 10.52.0.0, 2023).

Dans tout le Canada atlantique, les collectivités ressentent les effets des changements climatiques. Les collectivités côtières sont confrontées à une augmentation des inondations et de l’érosion en raison de l’élévation du niveau de la mer, des ondes de tempête et des vagues provoquées par des tempêtes violentes telles que les ouragans. Les collectivités s’adaptent cependant aussi à ces impacts. L’adaptation aux changements climatiques est l’occasion de bâtir la résilience et de trouver des moyens créatifs de résoudre des problèmes nouveaux et inhabituels. À preuve, les travaux d’adaptation du rivage à Mniku, ou Chapel Island, située près des Premières Nations de Potlotek et d’Eskasoni, dans le district d’Unama’ki (Cap-Breton, Nouvelle-Écosse).

Confrontés à une érosion rapide, les dirigeants locaux et les membres des communautés optent pour des approches basées sur la nature afin de protéger l’île, qui est depuis longtemps un lieu de rassemblement sacré traditionnel pour les communautés mi’kmaq. Grâce à du financement obtenu du gouvernement de la Nouvelle-Écosse, CLIMAtlantic a pu s’entretenir avec Wasuek Googoo, cogestionnaire des Infrastructures à l’Union of Nova Scotia Mi’kmaq (UNSM), pour en savoir plus long sur ce travail d’adaptation. 

Impacts des changements climatiques sur les communautés 

Les communautés d’Eskasoni et de Potlotek sont constamment aux prises avec les inondations et l’érosion qu’entraînent les changements climatiques. 

« Ces dernières années, les communautés ont perdu une grande partie de leur rivage, et leur priorité a donc été la restauration du rivage. Elles commencent aussi à manquer de place pour le développement, le logement et les infrastructures », explique Wasuek Googoo.  

« Les communautés commencent à manquer de place pour le développement, le logement et les infrastructures », dit Wasuek Googoo, cogestionnaire des Infrastructures à l’UNSM.

Au cours des dix dernières années, l’île de Mniku a été gravement rongée par l’érosion, ayant perdu environ sept mètres de rivage. Il s’agit d’un problème hautement préoccupant en raison de la petite taille de l’île et de son importance culturelle et spirituelle pour les communautés mi’kmaq. 

« Avant le contact avec les Européens, nous nous réunissions toujours à Mniku. Nos chefs s’y rendaient pour des raisons de gouvernance, notamment afin d’attribuer les territoires de chasse et de pêche aux divers clans. Ils réglaient les problèmes et les différends entre les clans. Ils s’y rendaient aussi pour prier, et l’endroit a toujours été utilisé comme lieu de sépulture. Ces derniers temps, des sites funéraires ont été exposés. »

Il est absolument crucial de protéger le rivage compte tenu du fait que ce site sacré et les communautés environnantes sont menacés d’érosion rapide.  

« À l’heure actuelle, avec Mniku et la partie continentale – dont nous espérons également restaurer et renforcer le rivage pour sauvegarder le terrain de camping – nous voulons nous assurer que les gens pourront continuer à se rassembler à Mniku pendant encore 100 ans », de souligner Wasuek Googoo.  

Protéger le rivage

Pour aider à protéger le rivage de Mniku de ces impacts, l’UNSM et d’autres membres de la communauté se tournent vers des solutions basées sur la nature. Des plans pour l’aménagement d’une série de digues vivantes (murs de terre recouverts d’herbe) sont en cours d’élaboration, avec l’espoir d’une construction à l’automne 2024. Ces digues auraient non seulement moins d’impact sur l’habitat côtier que les infrastructures grises (matériaux durs comme le béton ou les rochers), mais elles seraient également plus efficaces pour absorber l’énergie des vagues.

« Lorsqu’elle se heurte à des digues vivantes, l’énergie produite par les vagues, les tempêtes est absorbée. Or, lorsque cette énergie frappe une infrastructure grise, comme les rochers ou le béton, c’est de l’énergie statique. Cette énergie doit donc être évacuée. Dans le cas des digues vivantes, l’eau et l’énergie sont absorbées, et les digues vivantes évoluent avec les vagues », explique Wasuek Googoo en vantant les avantages des digues vivantes. 

Le projet de digues vivantes a d’ailleurs été inspiré par le rivage vivant de Mahone Bay, Nouvelle-Écosse, qui a été construit en 2022 et qui a déjà résisté à de nombreuses tempêtes assez violentes.

Avec un rivage vivant, qui utilise généralement une combinaison d’infrastructures en dur et de plantes, l’énergie des vagues est absorbée au lieu d’être déviée.

Une approche collaborative

L’adaptation aux changements climatiques n’est pas une tâche qu’une organisation peut mener à bien toute seule, et les travaux d’adaptation du rivage à Mniku ne font pas exception à la règle. Le projet s’inscrit dans la continuité des travaux d’adaptation du rivage en cours et implique un travail d’équipe de la part de nombreuses personnes. 

« À Potlotek et à Eskasoni, il y a déjà du personnel en place, qui travaille dans le domaine des travaux publics, de l’infrastructure et du logement depuis un certain temps déjà sur ces efforts de protection contre l’érosion. Ils seront également gestionnaires de projet, précise Mme Googoo. Nos communautés font preuve de leadership, car la Mniku de Potlotek est un lieu sacré pour tous les Mi’kmaq. Nous nous sommes [aussi] appuyés sur les compétences et l’expérience de l’Institut des ressources naturelles de l’Unama’ki, qui nous a été d’un précieux secours. Nous avons beaucoup de chance et nous sommes très reconnaissants de l’aide apportée par tout le monde. »

Mniku (île Chapel), Cap-Breton, Nouvelle-Écosse. Avec l’aimable autorisation de de l’Union of Nova Scotia Mi’kmaq & Kwilmu’kw Maw-klusuaqn.

Vers une résilience communautaire

L’importance de ce travail d’adaptation dépasse la protection physique du rivage, explique Mme Googoo. 

« J’estime que l’enthousiasme des communautés, sachant qu’elles souhaitaient depuis longtemps restaurer le rivage et envisager, pour ce faire, des méthodes moins destructrices, plus durables et plus naturelles, est très stimulant. Je pense que c’est vraiment passionnant de savoir que nous allons « rendre à la Terre », ce que nous avons toujours voulu faire… La création d’emplois dans nos communautés est quelque chose de très encourageant, et en soi une grande réussite. » 

Le besoin d’adaptation des rivages ne s’arrête pas à Mniku, et l’UNSM espère voir des projets similaires dans toute la région d’Unama’ki et même d’ailleurs.

« Nous aimerions que beaucoup de ces concepts soient adaptés et que des mesures semblables soient mises en œuvre dans nos communautés, pas seulement dans le district d’Unama’ki, mais aussi pour aider les communautés continentales de la Confederacy of Mainland Mi’kmaq (CMM). Nous espérons que ce projet pourra aller de l’avant, non seulement au sein de l’Union en tant que projet pilote, mais qu’il sera durable et qu’il permettra de renforcer les capacités de nos communautés à l’entretenir. 

Wasuek Googoo espère que les gens seront inspirés à entreprendre leurs propres projets d’adaptation. Elle dit : « Nous devons nous concentrer sur la résilience de notre peuple et sur sa capacité à surmonter les défis et les obstacles, aller de l’avant, collaborer avec des personnes auxquelles nous n’avions peut-être pas pensé auparavant et rechercher des financements par toutes sortes de moyens. L’infrastructure naturelle est un concept nouveau pour nous tous, c’est un nouveau projet. C’est une nouvelle source de financement, et j’encourage donc tout le monde à se lancer, à faire une demande et à espérer que tout ira pour le mieux. Et s’ils ont besoin d’aide ou de soutien, ils peuvent toujours communiquer avec nous à l’Union. »

On peut communiquer avec Wasuek Googoo en lui écrivant à l’adresse agoogoo@unsm.org. Pour en savoir plus long sur l’UNSM, visitez le site Web.

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